lundi 31 décembre 2007

"Que faire ?"

Aujourd'hui, on peut guérir un malade, éduquer un enfant, intégrer un étranger, désintoxiquer un drogué, réemployer un chômeur, désensibiliser un phobique ou encore accompagner un mourant, … et un Alzheimer ?
Que peut-on bien faire d'un Alzheimer dans la cinquante-, soixantaine et au stade léger de sa maladie ?
Sans doute êtes-vous un peu désemparés devant cette personne, souvent très lente mais tantôt alerte, parfois vraiment paumée mais gardant toute son intelligence, fuyante ou collante selon la situation qui se présente, acceptant tout un jour et contestant beaucoup un autre, sans mémoire récente mais se rappelant quand même.
Donc, vous les proches, que pouvez-vous pour nous ? Tout bien réfléchi, le mieux, c'est de faire le moins, mais avec une attention bienveillante. Tout est à prendre - à apprendre - à comprendre.
Baruch Spinoza disait

" Ne pas s'affliger, ne pas rire, ne pas détester, mais comprendre "

Et si malgré tout, nous plaisantons sur nous-mêmes, c'est peut-être pour anticiper sur des moqueries venant d'ailleurs. Aussi cela nous ferait tellement de bien, si vous pouviez un peu moins stigmatiser, juger et comparer, ne pas prendre personnellement les choses et, même si vous ne comprenez pas, être simplement là, à la bonne distance, ni trop près ni trop loin.
C'est Simone Sausse (dans " Le miroir brisé ", p.17, éditions Calmann-Lévy 1996) qui résume de façon très pertinente nos desiderata :

" Reconnaître le handicap cela veut dire ne pas le nier, ni en minimiser les conséquences, ni chercher à rassurer ". Et tout comme pour un enfant handicapé, voir le malade Alzheimer " tel qu'il est, avec ses déficiences, les bénéfices secondaires qu'il tire parfois de sa dépendance, l'agressivité et les revendications qu'il veut exprimer; bref admettre sa personnalité, sa souffrance, le destin qui est le sien sans en faire une victime. "

Car dans l'Alzheimer, ce n'est pas la maladie elle-même qui fait plus ou moins mal, mais l'addition et l'interaction des réactions de déni ou d'incompréhension de tous les acteurs. Cette maladie nous met bien en face des complexités des rapports humains. C'est encore Alexandre Jollien (dans " Eloge de la faiblesse " p.42, Les éditions du Cerf, Paris 2003) qui est le mieux placé pour dire de l'intérieur :

" Il y a des sourires qui blessent, des compliments qui tuent. … la pitié blesse plus que le mépris… Chaque jour, je rencontre ce regard condescendant qui croit me faire plaisir, peut-être sincèrement, mais qui nie ma liberté et me nie ipso facto. "

Parfois aussi, on découvre avec stupeur que sa liberté s'arrête là où commence l'amour de ses proches. Ce qui me renvoie à l'une des belles pensées romantiques de Hélène Grimaud dans son Credo press du 2 juin 2003 :

" Aimer quelqu'un est le contraire de l'esclavage : c'est désirer pour l'autre toute la liberté qu'on tire de lui ".

De plus en plus, je vis cette maladie bien sûr comme une atteinte organique incurable mais aussi comme un bouillon de culture psy. Mais je m'efforce de la percevoir comme une suite d'étapes à traverser, comme un développement et non comme une détérioration.

(Marcel Brasey, 2005)

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