mercredi 14 septembre 2011

14421 structures ont été enquêtées: établissements
d’hébergement pour personnes
âgées et pour adultes handicapés, et services
d’hospitalisation complète en psychiatrie
générale. 11083 structures ont répondu,
soit 77 %, regroupant 676000 places ou lits.
1102 structures déclarent héberger actuellement
des personnes de moins de 60 ans, atteintes d’un syndrome
démentiel1, soit au total 2742 personnes. 57 % de ces personnes
jeunes sont dans un établissement pour personnes âgées, 31 % dans
un établissement pour adultes handicapés et 12 % sont hospitalisés
en psychiatrie. 38 % des structures qui les hébergent signalent la
présence d’un syndrome démentiel lors de l’admission chez une ou
plusieurs personnes jeunes hébergées, 33 % l’existence d’un trouble
psychotique, 26 % de la trisomie 21, 17 % d’une maladie neurologique
sévère handicapante, 16 % de séquelles d’un traumatisme crânien.
Seuls environ 250 (estimation provisoire) parmi les 2742 personnes
jeunes atteintes d’un syndrome démentiel, et actuellement hébergées,
souffraient de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée
au moment de leur admission, selon une investigation complémentaire
du CNR-MAJ. 80 % de l’ensemble des structures ayant répondu à
l’enquête s’estiment non adaptées à l’accueil de malades Alzheimer
jeunes: locaux et animations proposées non adaptés, personnel non
formé, accueil non conforme au règlement de la structure, niveau
de dépendance trop élevé ou comportement dérangeant.
p.1 LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France 2011
LA Lettre de
L’ObservAtOire
DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
La maladie décrite par Aloïs Alzheimer concerne les personnes de moins de soixante ans. Mais, sous ce vocable, on a progressivement
regroupé divers troubles cognitifs survenant en raison d’une maladie neuro-dégénérative, quel que soit l’âge. C’est ainsi que les
personnes malades jeunes ont été doublement pénalisées… En tant que malade Alzheimer soumis à la stigmatisation liée à leur
affection et en tant que personne jeune à qui l’on retirait la particularité de sa situation. Conscients de ce fait, les artisans du
troisième Plan Alzheimer ont souhaité leur donner une place particulière pour développer des réponses appropriées.
C’est dans ce contexte qu’à la demande du Centre National de Référence des Malades Alzheimer Jeunes, la Fondation Médéric
Alzheimer a conduit une enquête nationale auprès des structures susceptibles d’accueillir les malades jeunes. Il ressort de cette
étude que peu d’entre eux vivent en institution et que leur accueil implique la prise en compte de la spécificité de leurs besoins,
ce qui n’est pas toujours aisé pour des structures évoluant déjà dans un contexte difficile. En d’autres termes, la question prioritaire ne semble pas
être celle de l’accueil en institution mais plutôt celle d’un accompagnement adapté.
Certaines personnes malades jeunes semblent plus particulièrement enclines à faire entendre leur voix dans la cité, en créant des associations, en
publiant des textes, en utilisant les moyens modernes de communication, ou en inventant les projets de demain. C’est pourquoi nous avons donné la
parole à deux d’entre elles, Fabienne Piel et Blandine Prévost qui revendiquent la spécificité de leurs besoins et le droit de se faire entendre. Comme
le rappelle Fabienne Piel: « ma voix est tout aussi importante que celle des chercheurs ». De même, elles font part de leur engagement citoyen. Mais
elles témoignent aussi de ce que chaque histoire de vie demeure individuelle, expliquant des choix différents… Et la question du « chez soi » plus que
toute autre relève de l’intime. Comme le dit Blandine Prévost « j’aimerais que ma famille et mes amis viennent chez Blandine et non voir Blandine ».
Michèle Frémontier et Jean-Pierre Aquino
édito
Septembre 2011 - N°21
Hébergement des malades
Alzheimer jeunes
en structure collective
en France en 2011
chiffresclés
de
l’enquête
L e Centre nati onal de réf érence p ou r les ma lades Alzheimer jeunes
(CNR-MAJ), souhaitant évaluer le nombre de malades Alzheimer jeunes
(âgés de moins de 60 ans) vivant dans des structures collectives, a demandé
à la Fonda tio n Médéric Alzheimer (FMA) de réaliser en 2010 un e enquête
test dans le Nord - Pas-de-Calai s et en Rh ône-Alp es auprè s de tou s l es établissements
d’hébergemen t pour pe rsonnes âgées et pour a dultes handicapés
et t ou s les serv ices d ’h os p it alisa ti on comp lèt e en p sy ch ia tr ie
généra le 2. D evant l’int érêt des résulta ts, le CNR-MAJ a demandé à la FMA
de réaliser, en 2 011, l’extension à tou tes les région s de France. Au to tal ,
parmi les 14 421 structures en qu êtées, 11 083 ont répondu, soit 77 %. Que
to ut es ces struct ures s oient ici vivement remercié es du temps qu’e lles
ont consacré à nous répondre e t de la qualit é de leu rs r épo nse s.
À l’issue de cette enquête, le CNR-MAJ a mené une investigation complémentaire
auprès des structures ayant signalé héberger des personnes de
moins de 60 ans atteintes d’un syndrome démentiel, afin d’estimer le nombre
de ceux chez qui la maladie d’Alzheimer, ou une maladie apparentée, était
présente au moment de leur admission.
Olivia Rosenthal « On n’est pas là pour disparaître », Éditions Verticales, 2007
1 Syndrome démentiel : maladie d’Alzheimer, démence fronto-temporale, maladie à corps de Léwy, démence vasculaire…
2 D. Fontaine, F. Pasquier, « Malades Alzheimer jeunes vivant en structure collective dans le Nord-Pas-de-Calais et en Rhône-Alpes », La Lettre de l’Observatoire
des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer, n°17, décembre 2010, Fondation Médéric Alzheimer
« Aucun des descendants directs du docteur Alzheimer ne porte aujourd’hui son nom (…)
Les seuls qui portent le nom du fameux médecin sont des malades. On les appelle familièrement les Alzheimer ».
LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011 p.2
Parmi les 11 083 structures ayant répondu à
l’enquête, 1 102 ont signalé héberger 2 742
personnes âgées de moins de 60 ans atteintes
d’un syndrome démentiel (dénommées ci-après
« malades jeunes »). L’ensemble de ces 11 083
structures disposant d’un peu plus de 676 000
places ou lits, les 2 742 malades jeunes occupent
0,41 % des places ou lits, ou, autrement
dit, quatre places ou lits sur 1000, ce qui représente
une part très modeste de la capacité
d’accueil de ces établissements. La répartition
de ces malades jeunes selon les structures
qui les accueillent montre que la majorité d’entre
eux (57 % des 2 742 malades jeunes) réside
dans un établissement pour personnes âgées,
Un taux de réponse élevé de 77 %
2742 personnes de moins de 60 ans atteintes d’un syndrome démentiel
en institution
Pourquoi avoir réalisé une
enquête nationale sur les
malades jeunes ?
La maladie d’Alzheimer touche
principalement des personnes
âgées (sa prévalence double tous
les cinq ans à partir de l’âge de
35 ans), mais, cependant, environ
5000 personnes de moins de
60 ans sont atteintes de la maladie
d’Alzheimer ou d’une maladie
apparentée. Il n’est en principe pas possible d’entrer en établissement
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) avant l’âge
de 60 ans, mais certaines personnes ne peuvent rester à domicile tout
au long de leur maladie. Nous ne savions absolument pas combien de
personnes jeunes vivaient en institution, ni dans quel type de structure
(établissement pour personnes âgées après obtention d’une dérogation
du conseil général, établissement pour adultes handicapés), ni combien
étaient hospitalisées en psychiatrie, ces données étant un préalable à
l’orientation des politiques de santé.
Quels en sont les principaux résultats et enseignements ?
Cette enquête nationale montre que peu de personnes de moins de
60 ans atteintes d’un syndrome démentiel vivent en institution :
moins de 3 000, ce qui représente 0,41 % des places ou lits de l’ensemble
des structures pouvant les accueillir. Mais seulement 250
environ souffrent de la MA ou d’une maladie apparentée (dégénérescences
fronto-temporales, maladie à corps de Lewy…), les autres
causes étant des troubles psychotiques, des déficiences intellectuelles,
des séquelles d’accident vasculaire cérébral ou de traumatisme crânien,
des maladies neurologiques invalidantes (sclérose en plaque,
maladie de Parkinson, de Huntington…), ou des encéphalites notamment
alcooliques.
La majorité des patients Alzheimer (ou maladie apparentée) jeunes
vivent en EHPAD, après avoir obtenu une dérogation. Les seules personnes
souffrant de MA dans les structures pour personnes handicapées
sont atteintes de trisomie 21 et vivaient déjà dans la structure avant
le déclin cognitif. De jeunes patients Alzheimer ou apparentés séjournent
plus ou moins longtemps en établissement psychiatrique mais
n’ont pas vocation à y vivre durablement.
Quels sont les autres travaux conduits par le CNr–MAJ
Le CNR-MAJ a voulu savoir s’il était simple d’obtenir une dérogation
des conseils généraux et de quelles aides financières les patients
pouvaient bénéficier. En effet, la prestation de compensation du
handicap destinée aux personnes de moins de 60 ans a vocation à
aider les patients à domicile mais ne contribue pas aux frais d’hébergement
et l’allocation personnalisée d’autonomie ne s’adresse
qu’aux personnes de plus de 60 ans. Il existe une grande disparité
selon les départements. Le CNR-MAJ a aussi enquêté pour savoir si,
• services d’hospitalisation complète en psychiatrie
générale.
Étaient exclues les structures qui offrent un
accueil uniquement pendant la journée.
L’enquête était postale, par questionnaire, et
a fait l’objet de trois relances. elle s’est déroulée
entre janvier et juin 2010 pour les deux
régions test (Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes)
et à la même période en 2011 pour toutes les
autres régions, y compris les départements d’outre-
mer (sauf Mayotte).
Plus de 11000 structures ont répondu, soit 77 %
de celles qui ont été contactées. Ce sont les
établissements d’hébergement pour personnes
âgées qui ont été les plus nombreux à répondre
à l’enquête (79 % d’entre eux), puis ceux pour
adultes handicapés (76 %), et enfin les services
de psychiatrie (65 %).Dans toutes les régions,
le taux de réponse dépasse 75 %, sauf en Corse
(56 %), Martinique (67 %), ile-de-France (73 %),
guadeloupe (73 %) et Aquitaine (74 %). Dans
cinq régions, le taux dépasse même 80 %
(Champagne-Ardenne, Limousin, Bourgogne,
Réunion et Franche-Comté).
Notons que ces très bons taux de réponse permettent
de disposer de résultats pour un peu
plus de 11000 structures, regroupant plus de
676000 places ou lits.
3 Source: fichier Finess, Drees, ministères sanitaires
et sociaux - extraction au 31-12-2010
Florence Pasquier,
CMRR de Lille, coordonnatrice
du CNR-MAJ
la
parole
à
L es 14 421 structures enquêtées regroupaient
toutes les catégories suivantes3 :
• établissements pour personnes âgées : établissements
pour personnes âgées dépendantes
(ehPAD), unités de soins de longue
durée (USLD), autres établissements non
ehPAD (maisons de retraite, petites unités
de vie, logements-foyers, centres d’hébergement
temporaire exclusif) ;
• établissements pour adultes handicapés :
maisons d’accueil spécialisées, foyers d’accueil
médicalisés, foyers occupationnels, foyers de
vie, foyers (ou autres modalités) d’hébergement
pour handicapés travaillant en eSAt (établissement
et service d’aide par le travail) ;
p.3 LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011
31 % vivent dans une structure pour adultes
handicapés et 12 % sont hospitalisés en psychiatrie.
toutefois, la proportion de personnes
malades jeunes n’est que de 0,27 % dans les
établissements accueillant des personnes âgées
contre 0,97 % dans ceux pour adultes handicapés
et 1,42 % en hospitalisation psychiatrique ».
Comme le montre l’étude complémentaire du
CNR-MAJ (voir page 8), les personnes jeunes
atteintes d’un syndrome démentiel résidant
dans les établissements pour personnes handicapées
étaient déjà institutionnalisées avant
l’apparition du syndrome démentiel et celles
hospitalisées en établissement psychiatrique
le sont à titre transitoire.
dans les régions frontalières comme le Nord-Pas-de-Calais, les patients
avaient plus de facilité à entrer dans un établissement étranger
(Belgique notamment), ce qui ne s’est pas révélé fréquent. Il a aussi
voulu savoir quels étaient les modalités, le parcours, et les facteurs
associés à l’entrée en institution avant l’âge de 60 ans, en enquêtant
auprès de plus de 100 patients jeunes suivis au centre mémoire de
Lille-Bailleul. Seuls 9 % sont entrés en institution avant 60 ans.
Comme pour les personnes âgées, l’absence de conjoint était un facteur
favorisant, mais plus encore les troubles du comportement
frontal qui rendent particulièrement difficile l’admission et le maintien
dans une structure « classique ».
Avec ses partenaires, le CNR-MAJ a réalisé un film-documentaire
dans des établissements ayant l’expérience des patients jeunes, point
de départ des échanges entre ces professionnels expérimentés qui
ont amorcé des recommandations. Le CNR-MAJ a écouté les familles,
rencontrées sur place, les soignants et les directeurs des établissements
hébergeant des patients jeunes, et a réuni des patients jeunes,
voulant rester acteurs de leur vie, qui ont exprimé leurs souhaits et
ce qu’ils refusaient s’ils devaient entrer un jour en institution.
L’ensemble des travaux a été restitué le 16 mai 2011 (www.centrealzheimer-
jeunes.fr).
Quelles sont les préconisations du CNr-MAJ ?
Les besoins ne sont pas univoques. Un point majeur est que les
patients jeunes comme leur famille souhaitent vivre à proximité de
leur réseau familial et social, ce qui suppose un hébergement de
proximité. L’autre point majeur est l’absolue nécessité d’une formation
des équipes à la prise en charge des patients jeunes qui ont
des spécificités cliniques, cognitives et comportementales. En même
temps, certaines particularités inhérentes à l’âge sont peu compatibles
avec la vie en institution telle que la propose la majorité des
EHPAD.
Le petit nombre de personnes concernées rend peu réaliste la création
de structures dédiées spécifiques… Certains établissements identifiés
pourraient s’impliquer dans cette prise en charge, établir un projet
spécifique et une formation de l’équipe soutenus par le Centre
mémoire de ressources et de recherche (CMRR) régional, en lien avec
le CNR-MAJ. Quelques établissements à vocation interrégionale prendraient
en charge les cas particulièrement difficiles. Quelques projets
innovants de petits lieux de vie pour les personnes jeunes ne pouvant
vivre seules ou ne voulant pas peser sur leur proche pourraient être
proposés.
Enfin, rappelons qu’une Task Force de l’International Psychogeriatric
Psychiatry (IPA) s’est mise en place pour partager les expériences
de tous pays.
Propos recueillis par Jean-Pierre Aquino
Personnes jeunes hébergées et
atteintes d’un syndrome démentiel4
dans les structures enquêtées
Établissements
d’hébergement
pour personnes âgées
Établissements
d’hébergement pour
adultes handicapés
service d’hospitalisation
complète en
psychiatrie adulte
total
Nombre de structures enquêtées 10312 3612 497 14421
Nombre de structures ayant répondu 8024 2737 322 11083
taux de réponse (%) 77,8 75,8 64,8 76,9
Nombre de places dans les structures
ayant répondu à l’enquête 563410 88773 23996 676179
Nombre de structures ayant signalé
héberger des malades jeunes 693 315 94 1102
Pourcentage de structures ayant signalé
des malades jeunes sur l’ensemble
des structures ayant répondu à l’enquête
8,6 11,5 29,2 9,9
Nombre de malades jeunes hébergés 1544 857 341 2742
Pourcentage de malades jeunes
sur l’ensemble des places des structures
ayant répondu à l’enquête
0,27 0,97 1,42 0,41
4 Ces personnes sont également dénommées « malades jeunes » dans le tableau ou dans le texte.
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011
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N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011 p.4
Carte 3
Pourcentage de malades jeunes
hébergés dans la population
de 40-59 ans par régions
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011
moins de 14
de 14 à 18
19 et plus
DOM
France : 16
pour 100 000
Les malades jeunes occupent, en moyenne en
France, 0,41 % des places ou lits des structures
enquêtées. Mais ce pourcentage présente des
différences selon les régions (carte 1). en métropole,
le pourcentage est plus élevé dans sept
régions (Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie,
haute-Normandie, Centre, Franche-Comté,
Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte
d’Azur) : davantage de places ou lits dans les
structures sont occupés par des malades jeunes.
en observant cette situation au regard de la
capacité de l’offre en équipements (carte 2),
on constate des situations très diverses.
Ainsi, par exemple, dans les Pays de la Loire,
le Limousin, l’Auvergne, où le taux d’équipement3
est élevé, une proportion de places ou
lits plus faible que la moyenne est occupée par
des malades jeunes. Mais la situation inverse
caractérise la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
(et un peu aussi l’ile-de-France) : taux d’équipement
faible et une proportion de places ou
lits plus élevée (que la moyenne) occupée par
les malades jeunes. Un autre exemple est celui
de la Basse-Normandie: le taux d’équipement3
est élevé et le pourcentage de malades jeunes
hébergés est plus élevé que la moyenne.
Une autre approche pour comparer les situations
régionales consiste à rapporter le nombre de
malades jeunes hébergés à la population de 40
à 59 ans6, qui correspond à la tranche d’âge de
la population pouvant être concernée par l’apparition
de la maladie d’Alzheimer avant 60 ans.
globalement, les 2742 malades jeunes hébergés
repérés dans le cadre de l’enquête correspondent
à un taux de 16 personnes de 40-59 ans
sur 100000.
La carte 3 illustre les différences entre régions
et met en évidence plusieurs situations. huit
régions présentent un taux supérieur à la
moyenne nationale, et à l’opposé pour huit
autres régions, ce taux est inférieur à cette
moyenne (ile-de-France, Alsace, Lorraine, Corse
et les quatre départements d’outre-mer).
Rappelons que ces taux régionaux peuvent être
un peu « biaisés » par le fait que des malades
jeunes hébergés dans certaines régions peuvent
en fait être originaires d’autres régions où l’offre
en possibilités d’accueil est plus faible. Ceci
est par exemple le cas pour les adultes handicapés
: les possibilités d’accueil en ile-de-France
sont très peu nombreuses et un certain nombre
de Franciliens handicapés sont hébergés dans
d’autres régions.
Carte 2
taux d’équipement5 en places ou lits
des structures enquêtées
(personnes âgées ou handicapées,
psychiatrie) par région
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011
moins de 19
de 19 à 24
25 et plus
DOM
France :
21 places
pour 1 000
habitants
de 40 ans ou plus
Un rapport national
sur la situation
des malades jeunes
en Australie*
Parmi les pays qui se sont mobilisés sur la
question des malades jeunes, l’Australie a
mis en place un programme quinquennal de
priorité nationale, appelé Dementia, visant
à l’amélioration de la prévention, du traitement
et des soins en matière de maladie
d’Alzheimer ou maladie apparentée. Dans
ce cadre, l’association Alzheimer Australie
a réalisé un état des lieux et formulé des
recommandations sur la question des
malades jeunes. Une phase de consultation
a permis de donner la parole aux usagers,
membres des différentes associations
Alzheimer Australie, dont une trentaine de
malades jeunes et autant d’aidants familiaux.
Le rapport final** met en lumière les
principales difficultés auxquelles sont
confrontés les uns et les autres. en février
2009, les pouvoirs publics ont organisé un
« sommet » sur le thème des malades jeunes
auquel ont participé cent personnes dont
des malades, des familles et des professionnels.
Cette manifestation a fait une large
part aux témoignages de personnes touchées
par la maladie.
Depuis, sur le site internet d’Alzheimer’s
Australia, une rubrique détaillée (Younger
Onset Dementia) donne des informations
régulières et détaillées sur des thèmes très
divers concernant les malades jeunes, tels
que: les questions légales et financières,
les problèmes liés à l’emploi (salaires,
employeurs), la planification de l’avenir, la
gestion du changement dans la vie quotidienne,
des « trucs » pour pallier la perte
de mémoire, les aspects psychologiques…
Marie-Jo Guisset-Martinez
* Cité dans Guide Repères - L’identité
retrouvée – Nouveaux liens, nouvelles
solidarités pour une autre approche
de la maladie d’Alzheimer, Fondation
Médéric Alzheimer, Paris, 2010
(Bon de commande téléchargeable
sur www.fondation-mederic-alzheimer.org)
** Exploring the Needs of Younger People
with Dementia in Australia, Alzheimer’s
Australia, Report to Australian
Government, Department of Health
and Ageing, mars 2007
Carte 1
Pourcentage de places ou lits
occupés par des malades jeunes
par région en 2010-2011
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011
moins de 0,36 %
de 0,36 à 0,44 %
0,45 et plus
DOM
France : 0,41 %
5 taux d’équipement : nombre de places ou lits en établissements d’hébergement pour personnes âgées, pour
adultes handicapés et en services de psychiatrie générale (enquêtés) pour 1 000 personnes de 40 ans ou plus.
6 Population 40-59 ans (Dom inclus) au 01/01/2008, selon insee (1 749 894 habitants)
p.5 LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011
L a majorité (57 %) des 2742 malades jeunes
hébergés, recensés dans l’enquête, résident
dans un établissement pour personnes
âgées, et notamment dans un ehPAD. ils sont
un peu plus nombreux dans les ehPAD sans
unité spécifique Alzheimer (599 malades
jeunes) que dans ceux dotés d’une telle unité
(545). Les malades jeunes sont également plus
nombreux dans les établissements pour personnes
âgées du secteur public (950) que dans
ceux du secteur privé non lucratif (284) ou
commercial (310). Notons que ces malades
jeunes occupent 0,29 % des places existantes
dans le secteur public contre 0,18 % dans le
secteur privé non lucratif et 0,36 % dans le
secteur privé commercial.
Dans les structures pour adultes handicapés,
où résident 31 % des malades jeunes recensés,
on constate que la majorité d’entre eux sont
dans les structures les plus médicalisés (MAS
et FAM hébergent 385 malades jeunes) et un
peu moins dans les foyers occupationnels (224).
Seuls une trentaine de malades jeunes sont
signalés par les foyers d’hébergement qui sont
destinés aux adultes handicapés travaillant en
milieu ordinaire ou en établissement d’aide par
le travail. L’importance des structures relevant
du secteur privé à but non lucratif (associations)
dans l’offre d’accueil des adultes handicapés
explique le fait que les malades jeunes y soient
nettement plus nombreux (697 personnes) que
dans les structures publiques (156), le secteur
commercial étant très peu représenté (quatre
malades jeunes).
en psychiatrie, 90 % des malades jeunes se trouvent
dans les hôpitaux publics (308 patients) :
ils sont un peu moins nombreux dans les ChS
(141) que dans les services de psychiatrie des
ChU et Chg (167). Les malades jeunes sont peu
nombreux dans les établissements privés à but
non lucratif et privés commerciaux (respectivement
11 et 22 patients).
La plupart des malades jeunes hébergés résident en eHPAd
Graphique 1: répartition en pourcentage des malades jeunes hébergés
selon le type de structure* où ils résident
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011
types de structures hébergeant
des malades jeunes atteints
d’un syndrome démentiel
(et nombre de structures)
ehPAD (596)
USLD (85)
Autres ehPA (12)
MAS (65)
FO et FV (137)
FAM (87)
Fh (26)
Ch publics (83)
Autres établissements psy (11)
* ehPAD: établissement pour personnes âgées dépendantes - USLD: unité de soins de longue durée
- Autres établissements PA: maisons de retraite, petites unités de vie, logements-foyers, centre
d’hébergement collectif - MAS : maison d’accueil spécialisée - FAM: foyer d’accueil médicalisé
- FO et FV: foyer occupationnel et foyer de vie - Fh: foyer d’hébergement pour adultes handicapés
- ChS : centre hospitalier spécialisé - ChU et Chg: centre hospitalier universitaire ou général
- Autres étab. psy : établissement de santé mentale privé (non lucratif ou commercial).
PsY
12 %
PA
48 % 57 %
11 %
8%
9%
11 %
10 %
1%
1%
1%
PH
31 %
Le Mariahoeve Centre, géré par le Florence Zorg
Group, développe depuis 1994 une offre complète
et diversifiée destinée aux malades Alzheimer
jeunes (âgés de moins de soixante-cinq ans) et à
leurs proches. Dès l’annonce du diagnostic, est
proposé un entretien avec un case manager de l’association, présent
dans les locaux de la consultation mémoire. Un plan d’aide personnalisé
est mis en place pour soutenir les personnes malades et leurs aidants.
Par la suite, le case manager se rend régulièrement au domicile, ce qui
lui permet de connaître l’environnement matériel et relationnel du
malade, de repérer les signes éventuels d’épuisement des aidants familiaux,
prédictifs d’une situation de crise, et, si besoin, d’ajuster le plan
d’aide. L’équipe du centre souligne que la formation des intervenants
aux besoins spécifiques des personnes malades jeunes et de leurs proches
est essentielle pour être en mesure de proposer une réponse adaptée à
chaque situation.
grâce à ce dispositif de case manager, soixante personnes malades
Alzheimer jeunes et leurs aidants familiaux sont suivis et soutenus à
domicile.
Dans le Mariahoeve Centre, il existe également un accueil de jour, qui
est fréquenté chaque semaine par une quarantaine de personnes, six
unités de vie (totalisant quarante places) spécialement aménagées, et
deux chambres d’accueil temporaire. Des services d’aide à domicile,
des ateliers de fitness, de réminiscence, des soirées dansantes, sont
quelques-unes des activités complétant ce dispositif. enfin, des groupes
de soutien distincts sont proposés aux enfants et aux conjoints.
Soulignons que la continuité de l’aide, du diagnostic à la fin de vie,
ainsi que l’accompagnement de la personne et des proches toujours
assuré par les mêmes intervenants, sont parmi les points forts de cette
initiative.
Compte rendu de visite
par Marie-Jo guisset-Martinez
* Projet présenté dans le «Guide Repères - L’identité retrouvée –
Nouveaux liens, nouvelles solidarités pour une autre approche
de la maladie d’Alzheimer», Fondation Médéric Alzheimer, Paris, 2010
(Bon de commande téléchargeable sur www.fondation-mederic-alzheimer.org)
Le Mariahoeve Centre *, La Haye, Pays-bas
en direct
du
terrain
LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011 p.6
Quelles sont les actions
qui vous mobilisent ?
« Les malades jeunes » doivent
se battre contre le raz de marée
qui a fait de cette affection, une
affection de la vieillesse. Je me
mobilise en participant à des
conférences pour être entendue
et améliorer notre sort, mais
aussi celui de ceux qui nous
accompagnent au quotidien. Il m’importe que l’on comprenne que
nous demeurons réceptifs à tout ce qui se joue et se dit autour de
nous. Je considère, en tant que personne malade, que ma voix est
tout aussi importante que celle des chercheurs. Alors, aussi longtemps
que je le pourrai, je me ferai entendre pour qu’on nous regarde différemment
et que les décideurs proposent des solutions conformes à
nos besoins.
Très impliquée dans la vie associative (« La vie sans oubli », l’Association
France Alzheimer Vaucluse, Bistrot Mémoire à Douarnenez), je milite
donc partout où je suis invitée, car, encore trop souvent considérées
comme des personnes « sans parole », d’autres s’expriment à notre
place. Mon livre « J’ai peur d’oublier » est destiné aux personnes
malades et à leurs proches. Comme il permet de mieux comprendre la
maladie, il est aussi utilisé comme outil pédagogique pour les aidants
familiaux et professionnels, mais aussi pour les écoliers. C’est ainsi
que je suis devenue un porte-parole auprès du grand public, comme
en témoigne ma participation à diverses conférences et actions : en
2010 le train Alzheimer et la Journée Mondiale Alzheimer, interviews
et documentaires pour la télévision ou pour différents journaux.
dans notre enquête, peu de personnes jeunes séjournent
en établissements. Pourquoi selon vous ?
Se retrouver en institution avec des personnes beaucoup plus âgées
que nous, ne correspond en rien à nos besoins qui sont totalement différents.
En effet, un jeune patient a besoin d’être stimulé physiquement
et psychiquement. Une personne de quatre-vingt-dix ans n’a pas les
mêmes attentes, ni les mêmes désirs.
Par contre, l’angoisse de la solitude et de l’abandon demeure la même
pour tous, jeunes ou âgés, en bonne ou mauvaise santé. Aussi, lorsque
nous sommes fragilisés, il est d’autant plus important que notre qualité
de vie soit maintenue avec encore plus d’attention.
Mais il faut surtout mieux prendre en compte les besoins des malades
jeunes. Aloïs aurait été d’accord. D’ailleurs, aurait-il compris que sa
découverte soit transformée en pathologie de la vieillesse ?
Propos recueillis par Jean-Pierre Aquino
Fabienne Piel
Association « La Vie sans Oubli »
la
parole
à
globalement, les 1 102 structures hébergeant
actuellement 2742 personnes jeunes
souffrant d’un syndrome démentiel ont précisé
les différentes maladies présentes chez ces
personnes au moment de leur admission. Ainsi,
38 % des structures (graphique 2) ont déclaré
que le syndrome démentiel était la cause (ou
une des causes) de l’admission d’un ou de
plusieurs des malades jeunes actuellement
hébergés. Les troubles psychotiques sont également
fréquemment mentionnés par les structures
(33 %), puis la trisomie 21 (26 %). Notons
aussi la place non négligeable des maladies
neurologiques handicapantes et des séquelles
d’accidents vasculaires cérébraux.
Mais, du fait même de la spécificité de chacun
des trois types de structures enquêtées, il
était logique de constater des divergences
dans la fréquence des maladies présentes lors
de l’admission des personnes jeunes atteintes
actuellement d’un syndrome démentiel.
Dans les établissements d’hébergement pour
personnes âgées, les deux principales maladies
présentes lors de l’admission des malades
jeunes sont les syndromes démentiels et les
troubles psychotiques. Les séquelles d’accidents
vasculaires cérébraux et les maladies
neurologiques handicapantes sont également
assez souvent présentes.
Maladies en cause au moment de l’admission
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011
Causes d’admission des malades jeunes hébergés actuellement
(% de structures ayant signalé la présence des maladies )
Graphique 2: ensemble des structures
syndrome démentiel
trouble psychotique
trisomie 21
maladie neurologique sévère handicapante
accident vasculaire cérébral
séquelles de traumatisme crânien
déficience intellectuelle
infirmité motrice cérébrale
démence alcoolique, éthylisme
maladie de Korsakoff
encéphalopathie
handicap mental, déficience intellectuelle
trouble psychiatrique, dépression, anxiété
séquelle de méningite, d’encéphalite
maladie d’huntington
autres
38
33
26
17
16
12
10
10
3
3
2
2
1
1
1
4
Graphique 3: Établissements pour personnes âgées
syndrome démentiel
trouble psychotique
accident vasculaire cérébral
maladie neurologique sévère handicapante
infirmité motrice cérébrale
séquelles de traumatisme crânien
trisomie 21
maladie de Korsakoff
handicap mental, déficience intellectuelle
démence alcoolique, éthylisme
maladie d’huntington
maladie génétique ou congénitale
trouble psychiatrique, dépression, anxiété
séquelle de méningite, d’encéphalite
autres
44
36
19
18
13
12
11
4
3
3
2
1
1
1
5
p.7 LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011
Quelles sont les actions
qui vous mobilisent ?
Comme la maladie n’a pas fait de
moi une personne de seconde
catégorie, je me positionne dans
la vie en citoyenne, actrice du
monde qui m’entoure. Avec mon
mari, constatant l’absence de
solutions adaptées pour les personnes
malades jeunes, nous nous
sommes lancés dans la création d’une maison d’accueil spécifique. Notre
souhait est aussi de faire entendre la parole d’une personne malade
pour une meilleure compréhension de la prise en charge de cette maladie.
C’est donc, au-delà d’une action individuelle, un engagement citoyen.
À ce jour, grâce aux énergies fédérées, le projet AMA Diem* est reconnu
par les instances régionales et nationales, par le monde médical spécialisé
et par la communauté associative, mais aussi par les personnes malades…
D’autre part, je continue à être active, comme je le faisais avant d’arrêter
mon activité d’ingénieur, dans la gestion de l’école de mes enfants, dans
la préparation de couples au mariage… Certes, le rythme est devenu
différent, mais il est important de faire savoir que la vie et l’engagement
peuvent continuer malgré la maladie.
Comment voyez-vous votre avenir:
à domicile ou bien en établissement ?
Au-delà de l’habituelle opposition entre établissement et domicile,
une troisième voie me paraît envisageable. C’est le projet de la maison
AMA Diem, un domicile adapté à la maladie, sans pour autant détruire
ce qui fait le charme « d’une maison ». Je désire donc vivre dans un
tel « autre domicile », lorsque ma maladie le réclamera. Je souhaite
tout faire pour que les relations avec mes enfants, mon mari et mes
proches soient les plus apaisées possibles… Je désire que l’amour qui
nous lie aujourd’hui ne se perde pas dans la maladie. Pour cela je
pense qu’il est nécessaire de les décharger des contraintes matérielles
que représente la dépendance (toilette, habillage…). Je désire vivre
dans une maison, à un rythme adapté au mien, où je ne sois pas sans
cesse bousculée par une réalité qui n’est plus la mienne, avec un
mari qui travaille, des enfants scolarisés, une maison, des impératifs
horaires, que je ne serai plus apte à suivre sans être confrontée à
des manques et à l’échec. Aussi, j’aimerais que ma famille et mes
amis viennent « chez Blandine » et non « voir Blandine ». Je veux
que ce lieu soit ouvert sur l’extérieur, que les odeurs soient celles
d’un domicile et non celles des désinfectants utilisés en établissement,
que je puisse avoir accès à la cuisine, au jardin, que les professionnels
ne portent pas de blouses et que ma maison AMA Diem puisse être
accueillante à ma famille, à mes amis… AMA Diem s’inspire de plusieurs
réalisations où il fait bon vivre. Bref un domicile où la maladie ne
gagne pas sur le quotidien et qui permette de vivre jusqu’au bout,
et non pas d’attendre la fin.
Propos recueillis par Jean-Pierre Aquino
* AMA Diem signifie, en latin, « aime le jour »: aime le jour avec
et malgré la maladie, et c’est tout un programme (www.amadiem.fr)
blandine Prévost
Association « AMA Diem »
la
parole
à
Dans les établissements d’hébergement pour
adultes handicapés (réservés aux personnes de
20 à 59 ans), la situation est différente. en effet,
les troubles cognitifs constituent souvent une
complication des handicaps qui ont motivé l’entrée
en établissement. Aussi, les principales
maladies présentes lors de l’admission sont des
pathologies invalidantes: la trisomie 21 est citée
par 66 % des structures, puis la déficience intellectuelle
(35 %) et les troubles psychotiques
(31 %). Le syndrome démentiel, cité par 18 %
des répondants, apparaît néanmoins comme une
cause d’admission (seule ou non) d’un ou de plusieurs
malades jeunes actuellement hébergés.
enfin, en hospitalisation psychiatrique, la présence
de patients jeunes atteints d’un syndrome
démentiel s’explique par la difficulté pour les
services de leur trouver un lieu d’hébergement
adapté qui accepterait de les accueillir, ou par
la présence de troubles incompatibles avec la
vie dans une structure d’hébergement. Parmi
les maladies présentes à l’admission de ces
patients, le syndrome démentiel est cité très
souvent (par 64 % des services), suivi des troubles
psychotiques (49 %). Notons que les maladies
neurologiques handicapantes et les
encéphalopathies sont plus souvent citées par
ces services que par les autres structures.
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011
Causes d’admission des malades jeunes hébergés actuellement
(% de structures ayant signalé la présence des maladies )
Graphique 4: Établissements pour adultes handicapés
trisomie 21
déficience intellectuelle
trouble psychotique
syndrome démentiel
maladie neurologique sévère handicapante
séquelles de traumatisme crânien
accident vasculaire cérébral
infirmité motrice cérébrale
troubles du comportement
épilepsie
maladie d’huntington
maladie de Korsakoff
autres
Graphique 5: Établissements pour hospitalisation complète en psychiatrie
syndrome démentiel
trouble psychotique
maladie neurologique sévère handicapante
encéphalopathie
séquelles de traumatisme crânien
accident vasculaire cérébral
maladie de Korsakoff
démence alcoolique, éthylisme
troubles du comportement
troubles psychiatriques, dépression, anxiété
séquelle d’anoxie cérébrale
épilepsie
trisomie 21
séquelle d’arrêt cardiaque
hospitalisation à la demande d’un tiers
syndrome tumoral neurologique
handicap mental, déficience intellectuelle
maladie de Picq
66
64
49
31
26
17
14
35
22
18
11
10
10
7
5
1
1
1
1
7
6
3
3
2
2
1
1
1
1
1
1
LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011 p.8
Le pourcentage de structures estimant qu’elles
ne sont pas adaptées à l’accueil des malades
Alzheimer jeunes est très élevé et varie selon les
types de structures: 78 % pour les établissements
pour personnes âgées et 88 % pour ceux hébergeant
des adultes handicapés. en ce qui concerne
les services de psychiatrie, 70 % d’entre eux
n’ayant pas répondu à cette question, on ne dispose
pas de résultats comparables. Mais, on
observe que les 30 % qui ont répondu ont la même
position que les autres structures: 8 sur 10 se
disent non adaptés à l’accueil des malades
Alzheimer jeunes. D’une façon générale, ce sont
surtout les structures qui actuellement ne prennent
pas en charge de malades jeunes qui s’estiment
le moins adaptées à cet accueil.
80 % des structures s’estiment peu ou pas adaptées
à l’accueil des malades Alzheimer jeunes
ensemble des structures
Structure n’accueillant pas de malades jeunes actuellement
Structure accueillant des malades jeunes actuellement
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011
Établissements
personnes
âgées
Établissements
personnes
handicapées
hospitalisation
en psychiatrie Résultats inexploitables en raison du faible nombre de réponses
Pourcentage de structures s’estimant non adaptées à l’accueil de malades jeunes
(en % des structures ayant répondu à la question)
78
79
65
88
90
70
Peu de malades Alzheimer jeunes en institution
Une investigation complémentaire a été
menée auprès des structures ayant déclaré,
dans l’enquête menée par la Fondation Médéric
Alzheimer, héberger des personnes jeunes
(moins de 60 ans) atteintes d’un syndrome
démentiel. N’ont été retenues par le CNR-MAJ
que les structures ayant en outre déclaré que
le syndrome démentiel était présent au moment
de l’admission de ces personnes jeunes actuellement
hébergées.
Le CNR-MAJ a adressé un courrier aux directeurs
de ces structures présentant le but de l’investigation
complémentaire: recherche des pathologies
exactes présentes chez les personnes
jeunes actuellement hébergées et atteintes
d’un syndrome démentiel.
Avec ce courrier était joint un questionnaire de
23 questions, afin de connaître le diagnostic
des personnes de moins de 60 ans au moment
de leur entrée dans la structure, et différents
aspects de leur prise en charge. Après une
deuxième relance, si nécessaire, un contact
téléphonique a été établi pour obtenir les
informations.
Les résultats ci-contre concernent l’investigation
du CNR-MAJ effectuée en 2010 dans le
Nord-Pas-de-Calais et en Rhône-Alpes, ainsi
qu’une partie provisoire des résultats pour
les autres régions en 20117 portant sur 43 %
des réponses.
L’extrapolation est donc difficile car ce nombre
de réponses est encore faible. il est possible
que les résultats définitifs pour les « autres
régions » dépassent 200 malades Alzheimer
jeunes, et 250 pour la France entière.
Le CNR-MAJ publiera les résultats complets de
sa démarche lorsque toutes les réponses auront
pu être rassemblées et analysées.
Établissements
pour PA
Établissements
pour PH
services
de PsY total
Nombre de personnes jeunes hébergées atteintes
d’un syndrome démentiel dans l’enquête Fondation
Médéric Alzheimer
Nord-Pas-de-Calais 49 69 65 183
Rhône-Alpes 124 148 9 281
Autres régions 1371 640 267 2278
ensemble 1544 857 341 2742
Nombre de personnes jeunes hébergées atteintes
d’une maladie d’Alzheimer (ou apparentée) depuis
leur admission dans les structures enquêtées par le CNr-MAJ
Nord-Pas-de-Calais 13 0 7 20
Rhône-Alpes 18 0 5 23
Autres régions (provisoire) 93* 1* 18* 112*
ensemble 124 1 30 155
enquêtes FMA et enquête CNR-MAJ 2011
* Résultats provisoires
Nombre de personnes jeunes hébergées atteintes de la maladie d’Alzheimer
(ou apparentée) en France en 2011
7 L’investigation complémentaire dans les autres régions, réalisée par thibault Rousselot au CNR-MAJ, est encore en cours.
résultats provisoires
au 25-08-2011
p.9 LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011
Les raisons pour lesquelles les établissements
pour personnes âgées s’estiment mal adaptés
portent tout d’abord sur des aspects de fonctionnement
: équipe non formée à cette prise
en charge, locaux et animation non adaptés.
Viennent ensuite des raisons plus « institutionnelles
», liées à la nature de leur structure :
non-conformité au règlement administratif,
pas de dérogation d’âge possible. enfin, un
autre groupe de raisons concerne les malades
Alzheimer jeunes eux-mêmes, qui sont considérés
par ces établissements comme des personnes
demandant davantage de soins et
présentant une dépendance physique importante
ou des troubles comportementaux. Notons
que 10 % des établissements soulignent la difficulté
liée à la différence d’âge entre la majorité
des résidents (plus de 80 ans) et le ou les
quelques malades Alzheimer jeunes qui pourraient
être accueillis.
Dans le cas des structures pour personnes handicapées,
les deux principaux obstacles à l’accueil
de malades Alzheimer de moins de 60 ans
sont les mêmes que pour les établissements
pour personnes âgées : équipe non formée et
locaux inadaptés. ensuite, ce sont les problèmes
soulevés par les personnes malades
elles-mêmes qui sont cités (charges de soins,
dépendance physique, troubles du comportement)
puis l’animation non adaptée. La nonconformité
au règlement administratif et à
l’orientation de la structure correspondent à
un assez grand nombre de réponses. Rappelons
que ces structures sont dédiées à des personnes
handicapées âgées de 20 à 59 ans, et que la
maladie d’Alzheimer (ou les malades apparentées)
peut être une complication de leur handicap
initial.
Quant aux services d’hospitalisation psychiatrique,
le faible nombre de répondants à cette
question (77 sur 322) ne permet pas de présenter
des résultats fiables. On peut cependant
noter une « tendance » chez ceux qui ont
répondu : 81 % des services s’estiment non
adaptés, principalement en raison de la charge
de soins que requièrent les malades Alzheimer
jeunes et de la difficulté à leur offrir une animation
adaptée à leurs besoins. Sont aussi
signalés la dépendance physique et le manque
de formation du personnel à cette prise en
charge.
comme favorable à cet accueil de personnes
jeunes : bonne intégration dans le quartier,
dimension familiale ou cadre agréable… La possibilité
d’adapter le projet de vie et de soins à
ces malades jeunes est mentionnée par 16 %,
et la présence d’une unité spécifique Alzheimer
dans l’établissement par 15 %.
Les établissements pour adultes handicapés
sont nombreux (57 % des répondants) à affirmer
que la présence d’un personnel pluridisciplinaire,
formé à la déficience cognitive et aux
situations de dépendance, est un atout qui peut
leur permettre d’héberger les malades
Alzheimer jeunes. La qualité de l’architecture
de leurs locaux, et la sécurité des lieux sont
également citées (23 % et 10 %), ainsi que le
souci de garder dans l’établissement les adultes
handicapés qui sont atteints de la maladie
d’Alzheimer pour éviter tout transfert dans
d’autres structures. toutefois le délai d’attente
pour intégrer les établissements pour personnes
handicapées est un frein majeur.
enfin, seuls 5 services d’hospitalisation en psychiatrie
(sur 322 ayant répondu à l’enquête)
ont estimé être adaptés à l’accueil de malades
Alzheimer jeunes. tous ont déclaré que c’était
le savoir-faire du personnel, formé à la prise
en charge psychiatrique quel que soit l’âge des
patients, qui permet une prise en charge
adaptée.
danièle Fontaine et Florence Pasquier
enquête Fondation Médéric Alzheimer 2011 raisons pour lesquelles les structures ne s’estiment pas adaptées à
l’accueil des malades Alzheimer jeunes
(en % des structures ayant répondu à la question)
Établissements pour personnes âgées Établissements pour adultes handicapés services d’hospitalisation en psychiatrie
équipe non formée 54
locaux non adaptés 50
animation non adaptée 40
non-conforme au règlement administratif 23
charge de soins trop importante 18
problème de financement 17
trop grande dépendance 16
trop de problèmes de comportement 15
pas de dérogation d’âge possible 11
différence d’âge 10
contraire à la vocation de la structure 4
mauvaise expérience passée 3
autres raisons 4
équipe non formée 51
locaux non adaptés 39
charge de soins trop importante 28
trop grande dépendance 27
animation non adaptée 25
non conforme au règlement administratif 21
problème de financement 11
non-conforme à l’orientation de l’établissement 9
trop de problèmes de comportement 8
pas de dérogation d’âge possible 5
établissement ouvert (handicapés des eSAt*) 3
autres raisons 4
charge de soins trop importante 59
animation non adaptée 56
trop grande dépendance 40
équipe non formée 39
service de court séjour 13
trop de différence avec autres patients 7
locaux non adaptés, manque de place 4
psychiatrie n’est pas la bonne indication 4
autres raisons 6
À l’opposé de ces structures qui ne s’estiment
pas adaptées, d’autres, peu nombreuses, pensent
qu’elles peuvent offrir un accueil de qualité
aux malades Alzheimer jeunes. Ainsi, 14 %
des établissements pour personnes âgées sont
dans ce cas, 6 % de ceux pour personnes handicapées
et 19 % des services de psychiatrie
(ce dernier résultat ne portant que sur 18 répondants).
en ce qui concerne les établissements pour personnes
âgées, la première raison avancée (par
27 % des répondants) est la présence d’un personnel
formé, que son savoir-faire et son dynamisme
préparent à s’adapter à la prise en
charge de malades Alzheimer jeunes. Le cadre
de vie proposé est également cité par 23 %
dans cette enquête, un encart était prévu pour que les professionnels donnent un
avis personnel sur l’accueil des personnes malades de moins de soixante ans dans
des structures collectives. L’intégralité des remarques des 118 répondants des
établissements d’hébergement pour personnes handicapées et des 38 services
d’hospitalisation complète en psychiatrie a été analysée. en revanche, compte
tenu du grand nombre de réponses fournies par les établissements d’hébergement
pour personnes âgées, un échantillon aléatoire de 307 témoignages (un quart des
réponses) a été sélectionné.
LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011 p.10
Relevons tout d’abord que les établissements pour personnes âgées sont
encore nombreux à n’avoir jamais reçu de demandes concernant l’accueil
de personnes malades d’Alzheimer jeunes. Pour d’autres, la question est
sans objet, compte tenu de leur vocation à accueillir les personnes de
plus de soixante ans. D’autres, face à ce type de demande, se sentent
démunis: « Déjà confrontée à ce sujet, je ne sais vers où me renseigner
pour trouver un établissement adapté qui accueillerait un patient jeune
atteint de cette maladie ». Beaucoup enfin ont évoqué la question de
créer ou pas des lieux spécifiques pour les malades
Alzheimer jeunes.
L’accompagnement du personnel
Les malades jeunes auraient besoin d’un accompagnement
plus soutenu et plus diversifié, et nécessiteraient
une équipe pluridisciplinaire (psychologue,
ergothérapeute, orthophoniste…) formée à « l’âge
de l’accueil ». Comme l’affirme l’un des répondants,
« Par définition on n’aborde pas quelqu’un de moins de soixante ans
comme quelqu’un de quatre-vingts ans. La singularité de l’individu reste
essentielle avant tout au regard de sa pathologie ». Des formations sont
souhaitées concernant notamment les animations, les loisirs ou permettant
de s’interroger sur « la sexualité de la personne jeune atteinte de maladie
démentielle dans un environnement de personnes âgées ». La maladie
d’Alzheimer chez des personnes jeunes demanderait beaucoup d’attention
et nécessiterait ainsi une surcharge en termes de soins et d’accompagnement
(ratio d’encadrement). il faudrait dès lors envisager davantage
de moyens à mettre en oeuvre. en outre, la situation peut s’avérer pour
certains difficile à vivre, tant du côté du personnel, pouvant avoir des
« appréhensions à s’occuper de malades plus jeunes qu’eux-mêmes »,
que du côté des malades eux-mêmes. Un « effet miroir » pourrait se produire,
renvoyant les membres de l’équipe à leur propre vécu: « L’âge
des patients concernés est quelques fois inférieur à celui des salariés.
Cela crée un effet miroir insupportable. Nous avons fait un essai qui a
été désastreux ».
des besoins différents
La force physique des malades les plus jeunes, qualifiés notamment de
plus « toniques » et connaissant des moments de « déambulation » et
« d’agitation », serait susceptible d’effrayer les plus âgés, qualifiés de
« fragiles »: « Les moins de soixante ans leur font peur, ils sont encore
jeunes et ont la force pour eux ». Une grande partie de la problématique
de l’accueil des malades jeunes se situe dans cette différence d’âge. en
effet, la « cohabitation intergénérationnelle », engendre le questionnement
sur « l’intégration » des plus jeunes : « Je ne vois pas comment une
personne jeune peut se sentir bien dans une maison de retraite en raison
de l’écart d’âge ». On craint les risques de dépression, et plus généralement
l’existence de troubles psychologiques, nécessitant un suivi psychologique
renforcé. Sont également évoqués la vie sociale, les temps sociaux (animations,
sorties, activités physiques) des personnes malades jeunes.
« Notre expérience nous montre que ces personnes
sont très difficilement acceptées par les autres (peur)
et pour ces personnes qui se sentent plus jeunes que
les autres, ce n’est pas très favorable, elles disent
que les autres sont trop vieux ». il serait ainsi difficile
de « créer une dimension sociale adéquate, la
moyenne d’âge des autres résidents [conditionnant]
l’organisation de l’établissement ». enfin, les locaux
ne seraient pas suffisamment sécurisés.
L’importance du lien familial
Le rôle des familles est ainsi mis en avant : « il paraît particulièrement
important de bien connaître l’histoire de vie du résident et de cultiver
le lien avec la famille ». Pour certains, « la plus grande difficulté rencontrée
reste tout de même l’accompagnement de la famille surtout
chez les jeunes patients qui ont des jeunes enfants et un(e) jeune
conjoint(e) », ces derniers étant perçus comme « souvent plus éprouvés ».
en effet, est soulignée la difficulté pour les familles de se trouver confrontées
à un environnement de résidents et de familles âgés : « Pour l’épouse,
il a été difficile de se rapprocher des autres familles beaucoup plus
âgées »; « La famille est souvent surprise de côtoyer des personnes âgées
lourdement dépendantes (différence d’âge) »; « Les familles ne supportent
pas ou mal le mélange de la population Alzheimer beaucoup plus âgée
en général ».
des structures « homogènes » en populations?
La nécessité est affirmée par une majorité des répondants d’un besoin
d’homogénéité des personnes accueillies (contre une « mixité ») et donc
de lieux spécifiques (que ce soit unités ou établissements), dédiés à cette
tranche d’âge, tant pour satisfaire les besoins et les particularités des
patients que de leurs familles : « Par respect de la personne jeune atteinte
de cette pathologie, il n’est pas souhaitable d’accueillir au sein des
services dédiés à l’accompagnement des personnes âgées souffrant de
On n’aborde pas quelqu’un
de moins de 60 ans comme
quelqu’un de 80 ans.
La singularité de l’individu
reste essentielle avant tout
au regard de sa pathologie.
Le point
de vue
des
établissements
par Laëtitia Ngatcha-ribert
Les établissements pour personnes âgées
p.11 LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011
cette maladie ». Les plus “vindicatifs” des répondants ont mis en avant
une « impossibilité » de vie en commun entre leurs résidents actuels et
les malades Alzheimer jeunes.
Une possibilité d’accueil envisageable
À l’inverse, un nombre plus limité de répondants se disent « ouverts » à
l’idée de cet accueil, sous réserve d’envisager des adaptations. Pour certains,
l’expérience s’est révélée plutôt positive. « Équipe pluridisciplinaire
habituée à gérer ces personnes. Projets thérapeutiques et occupationnels
bien identifiés ». il semble que l’élaboration d’un projet de vie et de
soins individualisé au sein d’un projet d’établissement puisse y contribuer.
Dans ce cas, la mixité est perçue comme une richesse: « Nous souhaitons
développer cet accueil. Nous avons une équipe d’animation performante
qui perçoit bien l’intérêt de la mixité des résidents de moins de soixante
ans et plus avec la richesse que les uns peuvent apporter aux autres et
réciproquement ». Le plus délicat résiderait finalement dans le fait
« d’accueillir la première personne ». L’idée d’un petit groupe, pour que
les personnes jeunes ne se retrouvent pas trop isolées, a été avancée,
afin « d’amorcer une dynamique spécifique autour de ce groupe ». Cet
accueil pourrait notamment se réaliser en tenant compte de certaines
conditions, les admissions pouvant se faire « au cas par cas », de manière
individualisée, et avec une préparation en amont, « avec l’entourage,
le résident et l’équipe de l’établissement, voire même en discuter avec
les résidents de l’ehPAD ». Certains ont évoqué leur préférence pour un
accueil de jour, notamment lorsque la personne vit en couple. Pour d’autres,
un projet d’extension est « en cours avec intégration d’une unité
pour malades jeunes » ou bien la création d’un PASA (pôle d’activités et
de soins adaptés), qui pourrait accueillir des malades Alzheimer jeunes.
des freins administratifs et juridiques
enfin, les aspects financiers et juridiques sont évoqués par bon nombre
des répondants comme étant des obstacles importants. en premier lieu,
il est relevé que les démarches administratives peuvent s’avérer lourdes
et les demandes de dérogation auprès des Conseils généraux sont soit
refusées, soit très difficiles à obtenir. en second lieu, l’accueil de personnes
de moins de soixante ans reste pour certains un réel problème: « Une
personne de moins de soixante ans n’est pas prise en compte dans le
calcul giR ce qui entraîne une baisse du budget. »
Une population en partie concernée
Une partie non négligeable des établissements dédiés aux adultes handicapés
de vingt à cinquante-neuf ans étant confrontée au vieillissement de leurs
résidents, la maladie d’Alzheimer, selon eux, va apparaître de plus en plus
fréquemment. Rappelons qu’elle peut constituer une complication des handicaps
d’origine des personnes hébergées, notamment
chez les personnes trisomiques. en outre,
la maladie d’Alzheimer peut aggraver, « suractiver
» ou déclencher d’autres troubles chez euxmêmes
ou chez les autres résidents.
Son diagnostic est très délicat chez les personnes
les plus lourdement handicapées en raison de
la présence de polypathologies, et de la difficulté
de repérage des premiers symptômes :
« L’importance du handicap mental de nos résidents
rend le diagnostic difficile voire impossible ». il semble également
« illusoire » aux répondants, voire « impossible », de distinguer le vieillissement
normal du vieillissement pathologique chez une personne présentant
une déficience intellectuelle. La situation est ainsi décrite comme « inconfortable
» pour tous, l’équipe se trouvant parfois très démunie.
Formation du personnel et sécurité
Dans les propos des répondants, deux problématiques semblent plus particulièrement
émerger. tout d’abord, il est mis en avant que le personnel
se situe dans le registre éducatif et non dans celui du soin, ne pouvant
dès lors assurer un suivi médical. L’absence de personnel soignant (psychiatres,
infirmiers, aides-soignants…) constituerait ainsi le principal obstacle
à l’accueil des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. La
nécessité d’une formation du personnel notamment aux spécificités de
la pathologie Alzheimer est évoquée. Un second point important est la
notion de sécurité, avec notamment la peur des risques de fugues : « Les
locaux peuvent devenir des espaces dangereux, non sécurisables lorsque
l’établissement est totalement ouvert : porte d’entrée, portail extérieur…
». Une vigilance particulière, sous peine de « mise en danger » de
soi et/ou des autres, doit être apportée à ces patients qui perdent leurs
repères spatio-temporels. L’un des répondants évoque son expérience
négative du fait de cette question de sécurité: « Nous avons en effet été
contraints (faute de places…) d’accompagner une résidente de cinquantecinq
ans atteinte, en fin de vie, de la maladie d’Alzheimer, cela a nécessité
de mobiliser une personne quasiment en permanence et a généré, d’autre
part, des situations à risques vis-à-vis des autres résidents… »
« Orientation » et « réorientation »
L’expérience de certains établissements montre que
lorsqu’un malade développe une maladie d’Alzheimer,
l’objectif est alors généralement de tenter de « l’orienter
» ou de le « réorienter » vers une structure plus
adaptée, en fonction des places disponibles. La question
renvoie à celle des « filières » et des « réseaux », les
malades d’Alzheimer jeunes étant, en termes de trajectoires,
bien souvent pris entre deux feux :
« Actuellement à la recherche d’une solution mieux
adaptée, les portes des foyers d’accueil médicalisé nous sont fermées
(âge : cinquante-deux ans) (trop âgé) les portes des maisons de retraites
-ehPAD- nous sont également fermées (trop jeunes) ».
registres du possible et de l’impossible
en mettant en avant le vieillissement « prématuré » de la population qu’ils
accueillent, bien souvent atteinte d’une polypathologie (personnes déficientes
mentales, infirmes moteurs cérébraux, déficients intellectuels avec
ou sans troubles du langage, autistes, etc.), certains répondants ne se
sentent pourtant absolument pas concernés par la problématique des
malades (jeunes) atteints de la maladie d’Alzheimer: « De fait il me semble
que notre structure ne correspond pas à l’accueil de personnes âgées
atteintes de la maladie d’Alzheimer ». Pour d’autres, l’accueil est trop difficile,
voire tout simplement impossible ou « incompatible » avec leurs critères
d’admission tels que l’activité professionnelle. Certains affirment au
contraire, selon leur expérience, que l’accueil est possible, voire qu’il est
« préférable » de « laisser vivre les personnes atteintes de tels troubles
avec d’autres qui ne présentent pas la même pathologie », tant que les
dépendances ou les troubles du comportement comme l’opposition ou la
déambulation, ne sont pas trop importants ou la maladie trop « envahissante
». Pour certains, il s’agit de concrétiser un projet de création d’un
lieu spécifique: « est en projet la construction d’un nouveau foyer d’accueil
Nos établissements sont
en difficulté dans le maintien
de ces personnes dans leurs
lieux. Et pour autant cette
réalité s’impose et risque de
se renouveler.
Les établissements pour adultes handicapés
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tél. : 0156 79 17 91
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Directeur de la publication : Michèle Frémontier – Rédactrice en chef:
Danièle Fontaine – Rédacteur en chef adjoin t : Dr Jean-Pierre Aquino.
Ont parti ci pé à c e n uméro : J ean-Pierre Aq uino, D a nièl e F ontaine ,
Michèle Frémontier, Marie-Jo guisset-Martinez, Laëtitia Ngatcha-Ribert
(FMA), Florence Pasquier, thibault Rousselot (CNR - MAJ), Marion Villez
(FM A) . Conception : e-pensee Maquette : A CONSeiL - impression : itF -
imprimé sur Cocoon Offset 120 g/m², 100 % recyclé, FSC® - iSSN : 1954-
9954 ( imprimé) - iSSN : 1954-3611 (en ligne) - Reproduction auto risée
sous réserve de la mention des sources.
LA LettRe De L’OBSeRVAtOiRe DeS DiSPOSitiFS De PRiSe eN ChARge et D’ACCOMPAgNeMeNt De LA MALADie D’ALzheiMeR
N°21 - septembre 2011 - Hébergement des malades Alzheimer jeunes en structure collective en France en 2011 p.12
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médicalisé avec quelques places pour personnes handicapées souffrant de
la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentés ». Le manque de moyens,
financiers et humains, est toutefois relevé. On le voit, pour les répondants,
il n’est pas aisé de maintenir dans leurs structures les personnes chez qui
se développe une maladie d’Alzheimer: « Nos établissements sont en difficulté
dans le maintien de ces personnes dans leurs lieux. et pour autant
cette réalité s’impose et risque de se renouveler ».
Un débat bien présent
enfin, quelques-uns des répondants ont mené une réflexion plus globale
sur l’accueil des malades jeunes dans des structures spécifiques. Certains
prennent explicitement position en faveur de tels lieux: « il est nécessaire
de construire certaines structures propres à ce public, ou des unités spécifiques
rattachés à un établissement ». D’autres expriment leur inquiétude
pour ces malades de se trouver confrontés au milieu gériatrique (avec
des résidents ayant le double de leur âge) ou au milieu psychiatrique (et
à la déficience intellectuelle). La volonté affirmée d’un choix d’hétérogénéité
est également présente: « trop de personnes atteintes de la
même pathologie au même moment demanderaient une démultiplication
des moyens - choix délibéré d’hétérogénéité ». Plus généralement enfin,
un certain nombre de répondants ont évoqué les éléments nécessaires,
selon eux, au bon accueil de malades d’Alzheimer jeunes : disposer de
locaux adaptés et sécurisés, mettre en place des repères visuels, former
les personnels, disposer de petites unités ou de petits pavillons (de 6 à
8 personnes), avoir un taux d’encadrement plus important ainsi qu’un
projet de vie et de soins spécifiques…
L’inadaptation de l’hospitalisation
Rappelant que l’établissement auquel ils appartiennent ne relève pas du
domaine de l’hébergement, une partie non négligeable des répondants
constate que l’hospitalisation n’est pas adaptée aux malades Alzheimer
jeunes. il est ainsi avancé que le séjour en milieu psychiatrique peut être
adapté pour un traitement des troubles en lien avec la maladie, pour
autant qu’il soit de courte durée et dans l’attente pour le patient de
« pouvoir intégrer une structure d’hébergement ». Ce type d’hospitalisation
est considéré comme « très inadapté au long cours » pour ces personnes
qui n’ont pas « leur place dans un service d’hospitalisation actif ». L’un
des répondants, affirme, de manière radicale :
« Maladie non compatible avec notre structure »,
revendiquant la spécificité d’une prise en charge
de la phase aiguë des troubles psychiatriques. La
question du retour au domicile semble particulièrement
complexe pour certains patients, les services
étant tiraillés entre le sentiment que ce retour est
« inenvisageable » et le constat qu’il « n’y a pas
d’autre solution possible ».
Une prise en charge par défaut
Le manque de places, de lieux adaptés ou de solutions alternatives à la
psychiatrie est très largement dénoncé. en conséquence, l’hospitalisation
des personnes jeunes atteintes de la maladie d’Alzheimer constituerait
pour la psychiatrie une prise en charge « par défaut ». Cette situation
trouverait notamment sa cause dans les manifestations de troubles du
comportement et troubles psychiatriques. « Ces patients sont refusés
des établissements censés "plus adaptés" et "plus formés" que l’hospitalisation
à cause principalement de leurs troubles du comportement (“antécédents”,
fugues, agressivité…) ». L’un des répondants juge cette situation
« totalement discriminatoire ». Une seule personne a émis une opinion
optimiste quant à l’adéquation des établissements du secteur psychiatrique
aux troubles des malades Alzheimer jeunes et à leur capacité à accueillir
ces dernières. il est toutefois évoqué le fait que les enjeux en la matière
ne peuvent se réduire à la thématique de l’hébergement. La question
de l’agressivité par exemple se pose, notamment à l’égard des soignants,
souvent de la même génération, ou à l’égard des autres patients. À cet
égard, la nécessité et le manque d’un personnel formé sont jugés « évidents
». en somme, ce n’est pas leur métier et les
personnes atteintes de maladie d’Alzheimer nécessitent
un accompagnement plus large : « il faut un
hébergement médicalisé avec un accompagnement
éducatif, paramédical suffisant et une bonne inscription
dans la cité. Ces dispositifs manquent ».
des réflexions et des projets
il est à noter que des réflexions concernant le meilleur
accueil possible, en amont et en aval (hôpital
de jour, centre d’accueil thérapeutique de jour) de
l’hospitalisation de certaines populations spécifiques comme les malades
Alzheimer jeunes, sont en cours dans certaines structures et ont été
évoquées. « Projet de maison relais en cours mais délai de réalisation
bien trop long au regard des demandes et des manques actuels ».
Comme l’exprime l’un des répondants, « La question nous paraît très
importante et a le mérite d’être posée. Nous poursuivrons la réflexion
sur la question ».
Il faut un hébergement
médicalisé avec
un accompagnement
éducatif, paramédical
suffisant et une bonne
inscription dans la cité.
Ces dispositifs manquent.
Les services d’hospitalisation en psychiatrie

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