Démence et consommation de benzodiazépines chez les plus de 65 ans
Alors que la Haute
autorité de Santé lance un plan d’action contre le mésusage des
benzodiazépines débutant par une campagne d’information auprès de
professionnels de santé visant à leur utilisation raisonnée chez les
personnes âgées, un travail collaboratif de l’Inserm rend compte de
l'association entre la consommation de ces médicaments et la survenue
d’une démence chez les plus de 65 ans.
En
France, environ 30% des individus de plus de 65 ans consomment des
benzodiazépines pour traiter les symptômes anxieux et les troubles du
sommeil. La prescription de ces molécules est souvent chronique, sur une
période dépassant largement la durée recommandée du traitement qui est
de 2 à 4 semaines. Les effets des benzodiazépines sur la cognition ont
fait l'objet de nombreux d'études aux résultats controversés.
Les
chercheurs ont analysé un échantillon de la cohorte PAQUID regroupant
des individus âgés de 78 ans en moyenne et suivis pendant 15 ans pour
mieux connaitre la relation entre la consommation de benzodiazépines et
le développement de démence.
Pour
tenter de neutraliser les biais qui pouvaient limiter la portée des
études antérieures, les chercheurs ont procédé à plusieurs analyses
croisées à partir des données de la cohorte PAQUID incluant, entre 1987
et 1989, 3777 personnes.
L'étude
principale a porté sur un échantillon de 1063 personnes, âgées de 78
ans en moyenne, sans symptômes de démence au début du suivi et qui
n'avaient pas consommé de benzodiazépines avant la 5ème année du suivi.
Quatre vint quinze ont consommé des benzodiazépines à partir de la 5ème
année. L'incidence de la démence observée chez les personnes exposées
est de 4,8 personnes sur 100 par an, contre 3,2 personnes sur 100 par an
pour les "non exposées".
"L'analyse
des cas de démence dans cette première population montre que les
personnes ayant débuté un traitement lors du suivi après 5 ans, ont un
risque accru de développer une démence, indique Tobias Kurth, directeur
de recherche à l'Inserm. Nous avons souhaité vérifier la robustesse de
ce résultat par deux analyses supplémentaires " ajoute-t-il.
La
2ème analyse a consisté à créer 5 "petites" cohortes à partir de
l'échantillon étudié précédemment. Les chercheurs ont montré que
l'association benzodiazépine-démence est robuste même si la date du
début du traitement varie entre 5 et 15 ans (prise de benzodiazépines à
partir de T5, T8, T10, T13, T15).
Pour
compléter ces résultats, les chercheurs ont réalisé une étude
cas-témoins sur 1633 individus présentant une démence (cas) et 1810 sans
symptômes de démence (témoins), tous issus de l'effectif initial de
PAQUID. Pour chaque temps étudié, chaque cas a été comparé à un ou
plusieurs témoin(s). Cette dernière analyse montre que la tendance
observée dans l'étude principale est confirmée, quelle que soit la durée
d'exposition antérieure (de 3 à 5 ans pour les utilisateurs récents à
plus de 10 ans pour les utilisateurs ayant toujours pris des
benzodiazépines pendant le suivi).
En
conclusion dans cette étude épidémiologique les résultats d'analyses
croisées montrent que les personnes consommant des benzodiazépines
présentent environ 50% plus de risque de développer une démence. Ils ne
permettent pas d’affirmer qu’il y ait un lien de cause à effet,
néanmoins les chercheurs recommandent de "limiter les prescriptions à
quelques semaines et de contrôler la bonne utilisation de ces molécules.
Nous doutons qu'une durée d'utilisation de l'ordre de quelques semaines
puisse avoir un effet délétère sur le risque de démence", conclut
Bernard Bégaud, directeur d’unité Inserm. Par ailleurs, des études
supplémentaires permettraient également de savoir si on retrouve cette
association chez les personnes âgées de moins de 65 ans.
Référence scientifique
Benzodiazepine use and risk of dementia: prospective population based study. Sophie Billioti de Gage et coll.
Les résultats de cette étude sont disponibles en ligne sur le site de la revue British Medical Journal le 28 septembre 2012
Les résultats de cette étude sont disponibles en ligne sur le site de la revue British Medical Journal le 28 septembre 2012
Dominique Monnier le 27 septembre 2011
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