lundi 11 janvier 2010

434 LA REVUE FRANCOPHONE DE GÉRIATRIE ET DE GÉRONTOLOGIE • OCTOBRE 2009 • TOME XVI • N°158
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Introduction
S’il est important de porter précocement
le diagnostic de maladie
d’Alzheimer (MA), c’est afin d’assurer
précocement une prise en charge
adaptée. Après l’annonce du diagnostic,
il est recommandé non seulement
de proposer aux patients une
prise en charge pharmacologique
et non pharmacologique, mais également
de proposer à leurs aidants
un accompagnement psychologique.
De façon complémentaire aux traitements
médicamenteux, de nombreuses
interventions non pharmacologiques
(INP) individuelles ou
collectives ont été mises au point
pour les patients et leurs aidants.
Concernant les patients, parmi
les interventions recommandées par
la Haute Autorité de Santé
(HAS/www.has-sante.fr), figurent
l’orthophonie, la stimulation et la
réhabilitation cognitives, la thérapie
par réminiscence, l’activité physique.
La HAS mentionne également
la musicothérapie, la luminothérapie,
l’aromathérapie, la stimulation
multi-sensorielle, plus spécifiquement
ciblées sur les troubles psycho-
comportementaux (1).
Concernant les aidants familiaux
et professionnels, la HAS recommande
de les informer sur la maladie
et ses traitements médicamenteux,
et sur l’existence d’associations
de familles, au moyen de groupes
de parole ou de programmes psycho-
éducatifs, et souligne l’importance
de leur offrir un choix d’interventions,
et aux plus éprouvés, une
aide spécifique (par ex. psychothérapie
individuelle).
La HAS souligne l’importance de
l’amélioration de la qualité de vie des
patients et des aidants en termes
d’amélioration du confort physique
et mental et d’adaptation optimale
de leur environnement et insiste sur
la nécessité de dispenser aux thérapeutes
une formation spécialisée
et adaptée à leur fonction.
Malgré l’insuffisance de travaux
scientifiques démontrant les bénéfices
des interventions non médicamenteuses,
la recommandation
Ce travail présente une synthèse sur les interventions non pharmacologiques (INP) dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer.
Dans un premier temps sont résumées les recommandations de la Haute Autorité de Santé concernant les interventions qui
ont démontré leur efficacité ou leur utilité. Les auteurs soulèvent ensuite la problématique des difficultés d’évaluation de l’impact
des INP. Dans les INP, depuis les dix dernières années, un intérêt particulier est porté aux thérapies dites combinées associant
des interventions médicamenteuses et non médicamenteuses, dans l’espoir d’optimiser l’effet thérapeutique au niveau
du patient et/ou de son aidant. La majorité des études porte sur des interventions psycho-sociales et montre généralement des
bénéfices pour l’aidant. Qu’en est-il de l’impact de telles interventions pour le patient? C’est dans cette problématique «aide
aux aidants – aide aux patients» qu’a été élaboré un PHRC (Projet Hospitalier de Recherche Clinique) intitulé AIDMA, sous la
responsabilité du Pr Anne-Sophie Rigaud. Cet article résume les résultats de l’impact d’un programme psycho-éducatif structuré
sur les patients et les aidants et souligne l’intérêt de l’étude nationale ETNA3 (comparaison de 3 INP) en cours de réalisation
sous la responsabilité du Pr Jean-François Dartigues. Ces deux études témoignent du dynamisme de la recherche française
dans le domaine des INP et du souci d’améliorer la prise en charge des tandems «patient-aidant».
MOTS CLÉS: Prise en charge de la maladie d’Alzheimer – Intervention psycho-sociale – Stimulation cognitive.
Approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer
Aide aux aidants - Aide aux patients.
Résultats d’une étude contrôlée
JOCELYNE DE ROTROU, ANNE-SOPHIE RIGAUD
CMRR HÔPITAL BROCA, PARIS.
Approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer
Actes du 2e Colloque International. Paris. 2009
LA REVUE FRANCOPHONE DE GÉRIATRIE ET DE GÉRONTOLOGIE • OCTOBRE 2009 • TOME XVI • N°158 435
d’une prise en charge globale du tandem
patient-aidant est assez consensuelle
(2). L’émergence du concept
de thérapie combinée, multi-modale,
consistant en interventions auprès
des patients conjointement aux interventions
auprès des aidants,
témoigne du souci d’optimiser le
résultat thérapeutique global. La
prescription par les équipes médicales
de ces thérapies combinées
s’est accrue de façon constante,
comme s’est accrue la demande des
patients et de leurs aidants.
L’essor de ces interventions incite,
de plus en plus, autorités et organismes
à encourager chercheurs et
cliniciens à valider leurs pratiques.
Au niveau de la recherche, les travaux
sont de plus en plus nombreux
et documentent de mieux en mieux
les bénéfices apportés (3, 4, 5, 6, 7,
8) par différents types d’interventions
non pharmacologiques: impact
positif sur l’état dépressif des aidants,
leur stress et leurs stratégies de
coping, et diminution des symptômes
psycho-comportementaux positifs
(agitation, agressivité, anxiété) chez
les patients.
Problématique actuelle
Dans ce domaine dynamique des
interventions non médicamenteuses,
de nombreuses questions demeurent,
notamment: les INP réduisentelles
vraiment la pente du déclin lié
à l’évolution de la maladie? Quelles
composantes cognitives et non cognitives
pourraient demeurer stables
et pour combien de temps? Quelles
interventions pour quels tandems
«patient-aidant»?
Une amélioration de la coordination
entre médecins généralistes,
spécialistes et professionnels de
santé est-elle susceptible d’apporter
un bénéfice aux patients et/ou
aidants et de lever ainsi les obstacles
au diagnostic et à la prise en charge
précoces (9)?
Plus globalement, quel modèle
économique ou social pourrait-il
avoir le meilleur impact sur la prise
en charge de la MA ? Les aspects
financiers ne sont en effet pas négligeables.
Les autorités de santé soulèvent
le problème : soit ces INP
apportent un réel bénéfice et elles
pourraient être mieux financées, soit
elles n’ont aucun impact ou un
impact trop faible par rapport à leur
coût : faut-il alors les interrompre,
mieux les adapter, mieux former les
thérapeutes, innover notamment en
gérontechnologie? Seules des études
contrôlées effectuées selon les critères
d’une rigueur scientifique spécifiquement
adaptée aux INP peuvent
apporter des éléments de
réponse fiables qui feraient avancer
la réflexion et les pratiques dans
ce domaine.
L’étude AIDMA
C’est dans cette problématique
générale et dans le contexte plus
spécifique des thérapies combinées
et d’« aide aux aidants – aide aux
patients» qu’a été élaboré le PHRC
(Protocole Hospitalier de Recherche
Clinique) intitulé AIDMA ou «contribution
d’un programme psycho-éducatif
(PPE) d’aide aux aidants familiaux
dans la prise en charge
pharmacologique de la maladie
d’Alzheimer» (10). A notre connaissance,
l’étude AIDMA est en France
la première étude évaluant l’impact
d’une thérapie combinée, et l’évaluant
de surcroît sur les patients ET
sur leurs aidants.
Cette étude a débuté en 2004 et
s’est achevée en 2008. L’objectif de
l’étude (menée de 2004 à 2008) était
de savoir si un PPE pour des aidants
familiaux, conjointement à la prise
par les patients d’un inhibiteur de
l’acétylcholinestérase associé ou non
à la mémantine pouvait réduire de
façon significative le déclin cognitif,
fonctionnel ou psycho-comportemental
du patient et la détresse de
leurs aidants, comparativement à
un traitement médicamenteux seul.
L’étude AIDMA était une étude
multicentrique contrôlée et randomisée
portant sur des tandems
« patient-aidant ». Il s’agissait de
patients ambulatoires, souffrant de
MA légère à modérée. Dans le groupe
intervention, les aidants ont bénéficié
d’un PPE tandis que dans le
groupe contrôle les aidants n’ont pas
bénéficié du PPE. Les patients des
deux groupes ont reçu un traitement
anti-démence exclusivement. Les
évaluations des patients et de leurs
aidants ont été réalisées en aveugle
par des psychologues pour les
aspects neuropsychologiques et par
des gériatres pour les aspects médicaux.
Ces évaluations ont été réalisées
lors de l’inclusion, à 3 mois et
à 6 mois.
Le programme psycho-éducatif
était structuré sous la forme de 12
séances hebdomadaires d’environ
2 heures (séances collectives réunissant
6 à 10 aidants familiaux, coordonnées
par un psychologue généralement
en collaboration avec
d’autres professionnels). Les
séances avaient pour objectifs: informer
les aidants sur les différents
aspects de la maladie ; apprendre
comment prolonger l’action entreprise
par les thérapeutes; comment
prévenir et/ou faire face aux situations
de crise; faciliter la verbalisation
du vécu des aidants ; offrir un
soutien psychothérapique. L’étude
a porté sur 157 tandems (groupe
intervention : 79 ; groupe contrôle:
78). A l’inclusion, les 2 groupes
étaient comparables. Concernant les
patients, les résultats montrent leur
stabilité sur les critères cognitifs,
fonctionnels et psycho-comportementaux,
sur une période de 6 mois.
Concernant les aidants les résultats
indiquent un bénéfice statistiquement
significatif pour ceux qui ont
suivi le PPE, en termes d’amélioration
de la compréhension de la maladie
et des capacités à faire face. On
observe aussi une augmentation de
l’état dépressif chez les aidants qui
n’ont pas suivi le PPE.
Comparativement à un traitement
médicamenteux seul, l’étude
AIDMA montre qu’une intervention
destinée aux aidants n’a pas d’impact
direct sur les troubles des
patients. Mais l’intervention testée
améliore de façon significative certaines
composantes de la condition
des familles liées à ces troubles.
Compte tenu du rôle majeur des
aidants familiaux, il est raisonnable
de penser que les patients dont les
aidants sont informés et accompa-
Approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer
Actes du 2e Colloque International. Paris. 2009
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gnés auraient un plus faible risque
de déclin et d’institutionnalisation.
Conclusions et perspectives
L’analyse des données publiées
et les résultats de l’étude AIDMA
appuient fortement la recommandation
des INP validées à proposer
aux patients et à leurs aidants en
complément des traitements médicamenteux
dans la prise en charge
de la maladie d’Alzheimer. Dans les
INP, notre réflexion actuelle s’oriente
vers une amélioration de la relation
patient-aidants, sur le sentiment de
plaisir et de meilleure participation
à la vie familiale, sociale ou institutionnelle.
Il est souhaitable de concevoir des
interventions combinées qui impliqueraient
activement les patients pris
en charge par des thérapeutes formés
et qui en demanderaient moins
à leurs aidants, en offrant en revanche
à ces derniers davantage de temps
et d’écoute de la part des équipes
médico-psycho-sociales. Les nouvelles
approches de stimulation
cognitive, (traditionnelle et informatisée)
(11) comportant ce double volet
permettraient peut-être d’obtenir un
plus grand bénéfice pour les tandems.
C’est ce type d’approche combinée
qui est testé dans l’étude nationale
ETNA3 sous la responsabilité
du Pr. J-F Dartigues (12), qui évalue
l’efficacité à long terme de 3 thérapies
non médicamenteuses (la stimulation
cognitive, la thérapie par
réminiscence, et une thérapie «à la
carte» individuelle).
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Approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer
Actes du 2e Colloque International. Paris. 2009
1. SEUX M-L., DE ROTROU J., RIGAUD A-S.
«Les traitements de la maladie
d’Alzheimer.

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