.Recommandations Alzheimer : les neurologues non consultés !
La maladie d’Alzheimer était au cœur des Premières Rencontres scientifiques et médicales France-Québec
du 24 octobre. Une occasion pour les neurologues français d’exprimer leur étonnement et leur inquiétude : la HAS ne les a consultés pas quant au retrait des recommandations sur le traitement de la maladie d’Alzheimer, et à l’élaboration des prochaines.
Comme chacun sait, la Haute autorité de santé (HAS) a retiré en mai dernier ses recommandations concernant le traitement médicamenteux de la maladie d’Alzheimer. Décision prise « uniquement sur une question de forme », les déclarations de conflit d’intérêt n’étant pas complètes, « mais pas sur une question de fond », souligne le Professeur Jean-Marc Léger, vice-président de la Société française de Neurologie(SFN).
De nouvelles recommandations devraient être rendues publiques prochainement par la HAS. Qu’en pensent les neurologues ? « Je peux vous dire une chose, la Société que je représente ne les signera pas », nous confie le Professeur Léger. Une révélation que l’on pourrait considérer comme surprenante si ce n’est que la SFN, société savante reconnue d’utilité publique et de rôle international réunissant les neurologues, est normalement un interlocuteur privilégié des organismes de tutelle (élaboration de conférences de consensus et/ou de recommandations), et qu’elle n’a pas été consultée par la HAS…
Pr Jean-Marc Léger : « Nos informations sont très préoccupantes »
« La SFN avait élaboré avec d’autres sociétés savantes les recommandations sur la prise en charge de la maladie d’Alzheimer », dont « une très infime part concernait le traitement », précise publiquement Jean-Marc Léger à l’Académie Nationale de Médecine en clôture des Rencontres scientifiques et médicales. Elles « ont été annulées de façon unilatérale, pour des raisons règlementaires ». « Cette chasse aux sorcières concernait 6 recommandations et au jour d’aujourd’hui il n’y a pas eu la moindre preuve, qu’il y avait eu défaut, illégalité ».
Les neurologues sont inquiets pour la suite : « Nos informations concernant la ré-écriture possible de ces recommandations sont très préoccupantes puisque selon elles, la HAS a contacté des associations de généralistes, dont j’admets qu’ils ont leur part dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, mais pas encore, en tout cas pas officiellement, les sociétés savantes concernées ».
Une déception partagée par le Pr Philippe Amouyel
« Je partage tout à fait votre déception » assure le Professeur Philippe Amouyel, Directeur général de la Fondation Plan Alzheimer. « Nous avons rédigé tous ensemble de petites notes pour la HAS au moment où les recommandations ont été retirées, ajoute t’il. « Comme vous le dites très justement Il n’y avait qu’une page et demi qui concernait les médicaments, […] et on se retrouve dans un vide sidéral actuellement. Un médecin généraliste ne peut plus s’appuyer sur ces recommandations. Tout cela n’est sous aucun autre contrôle que celui de la HAS ». « Au niveau du Plan, nous n’avons pas du tout été consultés », continue Philippe Amouyel. « Aujourd’hui se met en place une Commission qui va revoir ces recommandations, mais dans laquelle à ma connaissance peu de gens du monde que vous définissez au travers de la SFN ont été associés ». Le Plan n’a aucune influence hiérarchique ou autre sur les recommandations, et ne peut que plaider des causes, l’écoute se faisant au niveau de la mission Plan Alzheimer.
Historique : Des déclarations d’intérêt incomplètes
La recommandation de 2007 sur le traitement médicamenteux de la maladie d’Alzheimer était mise en cause par une procédure de Formindep (Association pour une formation et une information médicales indépendantes) de recours en Conseil d’Etat pour non respect des règles de gestion des conflits d'intérêts des experts ayant participé à son élaboration. A une époque où le Mediator® déchainait l’opinion publique, dans un contexte d’exigence accrue en matière d’indépendance et de transparence des institutions et afin de restaurer la confiance avec les usagers du système de soins, la HAS a préféré prendre la décision de son retrait sans attendre la décision du Conseil d’Etat. Celui-ci avait tranché fin avril en faveur de Formindep dans une procédure similaire, conduisant la HAS à retirer ses recommandations de bonne pratique sur le traitement du diabète de type 2, sur un motif de forme, à savoir la non-exhaustivité des déclarations publiques d’intérêts des experts du groupe de travail.
En avance de quelques mois sur le calendrier initial prévu, la HAS a entamé en juillet dernier des travaux de réévaluation des médicaments anti-Alzheimer au sein de la Commission de la Transparence. Elle rendra publiques jeudi son avis définitif et les raisons qui l’ont fondé. De nouvelles recommandations devraient suivre peu après.
Des traitements prescrits par des spécialistes
La primo-prescription d’un traitement pharmacologique de la maladie d’Alzheimer (donépézil, galantamine, rivastigmine et mémantine), médicament essentiellement symptomatique, est réservée actuellement aux gériatres, neurologues et psychiatres ainsi qu’aux généralistes capacitaires en gériatrie. Les médecins généralistes sont habilités à renouveler la prescription pendant un an ; au terme de cette période, un spécialiste doit réévaluer son bien-fondé (1).
(1) Les médicaments de la maladie d’Alzheimer à visée symptomatique en pratique quotidienne, HAS janvier 2009.
Dominique Monnier, le 25 octobre 2011
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